Fernande Forest
Fernande Forest - Graphisme - 1976
Fernande Forest est née face à la mer. Son enfance, elle l’a passée au grand air, sur la grève de Bonaventure. « J’étais fascinée par les marées, les paysages. Ils créaient toute une poésie en moi », se souvient la Gaspésienne.
Ses premières créations, cette artiste dans l’âme les a réalisées avec des coquillages, des feuilles, des fleurs. Il n’est pas surprenant que la Rimouskoise d’adoption enlace toujours la nature à bras-le-corps dans sa pratique.
En 1976, son choix d’aller étudier en graphisme, plutôt qu’en arts visuels par exemple, relevait uniquement de la raison : « Personne n’exerçait ce métier dans ma région. Aimant à la fois l’art et la communication, je voyais donc la possibilité de m’assurer un revenu, tout en exprimant ma créativité », avoue celle qui a « baigné dans le bonheur » pendant ses trois années collégiales.
Elle avait vu juste.
Même si elle a dû accepter des compromis professionnels, Fernande Forest a réussi à concilier le graphisme et l’art avec un grand naturel pendant plus de 40 ans. « Avoir pu vivre de la création aussi longtemps constitue ma plus grande fierté. »
Ce métier alimentaire, elle ne l’a pas pour autant pris à la légère. En tant que copropriétaire de l’agence Graff-X Communication, Fernande Forest a imprimé sa marque dans de nombreux organismes culturels et touristiques du Bas-Saint-Laurent. Elle s’est notamment spécialisée dans le design d’expositions, pour le Musée régional de Rimouski entre autres, ainsi que dans le graphisme d’édition, principalement pour le compte des Éditions Trois-Pistoles, de Victor-Lévy Beaulieu.
Toujours, entre les contrats, la graphiste se retirait avec politesse pour laisser de l’espace à la créatrice et à sa recherche en art actuel. Membre du collectif Voir à l’Est et des centres d’artistes Caravansérail et Vaste et vague, de Rimouski et Carleton, elle a exposé au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Europe. Elle a en outre participé à des symposiums de création in situ, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent et au Nouveau-Brunswick, notamment dans le cadre de la Rencontre photographique du Kamouraska en 2015.
Dans sa pratique, elle s’intéresse aussi à l’art relationnel, là où la rencontre avec l’autre fait partie intégrante de l’œuvre. Au cours de la dernière décennie, elle a pris part au projet Le mur Troubadour, consacré aux personnes âgées et diffusé en France, à l’initiative Moi à l’œuvre, organisée par le Centre d’art de Kamouraska, et au projet multigénérationnel Souvenance, portant sur la mémoire des Acadiens. Depuis 2006, elle a réalisé une douzaine de projets d’art public, notamment au CHSLD de Chauffailles, à Rivière-du-Loup, et aux Jardins de Métis.
Son portfolio est actuellement dominé par des œuvres photographiques qui exposent les détails les plus intimes des végétaux, grâce à une technique de numérisation découverte par hasard en 1998. « En scannant une algue, j’ai eu une révélation. La transparence de l’image me procurait la même sensation que lorsque, petite, je regardais le soleil au travers des laminaires. Cet outil impersonnel m’est devenu un collaborateur précieux, me donnant accès à des éléments invisibles à l’œil nu. J’ai eu l’impression de me rapprocher de la nature comme jamais. »
Soutenue par le Conseil des arts du Canada, elle a poussé ses dernières explorations en microscopie scientifique sur des semences potagères. Ce travail sera d’ailleurs exposé en 2021 au Musée régional de Rimouski.
Ayant tout récemment fermé son agence de graphisme, Fernande Forest se consacre dorénavant tout entière à ses premières amours : celles, fécondes, des liens profonds entre la nature et l’humain, entre la force du vivant et le sens de la vie. « J’ai un atelier-galerie, où je peux y recevoir des gens, échanger avec eux et y vendre mes œuvres. »
Les compromis donnent parfois la clé de la véritable liberté. Cette femme de la mer, chez qui le vent du large pourra encore longtemps faire entrer la poésie, en sait quelque chose.