Annie Lévesque
Graphisme, 2001 - Arts visuels, 2002
Il n’y a pas si longtemps, on trouvait peu de femmes à la tête des galeries d’art. Encore moins de jeunes femmes. À 40 ans tout juste, Annie Lévesque est propriétaire de la Galerie Ni Vu Ni Cornu, dont les deux succursales sont bien vues et bien connues des collectionneurs et des amateurs d’art de la région de Québec.
« Exploiter une galerie, c’est comme sauter à l’élastique chaque jour. Le risque financier fait peur à bien des gens. J’y suis grâce à mon audace, à mon réseau de contacts et à une certaine candeur. Je bâtis un projet différent, avec une vision collaborative chère à mon cœur. C’est ce qui me drive », explique la native de Rivière-du-Loup, dont l’humeur joyeuse ne semble pas avoir été assombrie par le gris d’octobre ni le rouge de la pandémie.
Issue d’une famille d’entrepreneurs, cette artiste peintre pleine d’allant et d’entregent savait qu’elle se lancerait en affaires. Simplement, elle n’avait pas envisagé que les sous qu’elle avait mis de côté depuis l’adolescence serviraient à racheter une galerie et une bâtisse, où elle donnerait la vitrine à une quarantaine d’artistes de la relève professionnelle québécoise.
Depuis, Annie Lévesque multiplie les initiatives pour valoriser l’excellence des créateurs émergents et démocratiser leur travail auprès de la population. Elle a inauguré un deuxième espace à Place Ste-Foy et cofondé les Ateliers Ni Vu Ni Cornu, qui offrent de la formation entrepreneuriale aux artistes, ainsi que le Regroupement des intervenants culturels de la Côte-de-Beaupré, qu’elle préside depuis quelques années. Son dévouement passionné a même été reconnu plus tôt cette année, alors qu’elle recevait une mention d’honneur à l’Assemblée nationale du Québec.
« Je bâtis des projets où je peux avoir un impact positif dans ma communauté. Dès qu’on me parle de la diffusion, de la promotion et de la vente des artistes de la relève professionnelle, je suis là ! » annonce celle qui a décroché son DEC en graphisme avant de bifurquer vers les arts visuels.
C’est à l’insu de ses parents, qui souhaitaient qu’elle entre vite sur le marché du travail, qu’elle a ensuite entrepris son baccalauréat en arts à l’Université Laval. « L’université, c’était un gros tabou chez nous. J’ai choisi de suivre les conseils de mon enseignante Mona Massé, qui, au Cégep, m’avait toujours mise au défi et m’avait fait jurer de poursuivre à l’université. J’ai bien fait : c’est là que j’ai découvert mon identité artistique et commencé mon engagement communautaire. »
Si ses responsabilités l’ont forcée à mettre en veilleuse son travail de création pendant quelques années, elle s’y est replongée dernièrement. À la faveur d’une bourse en recherche-création du CALQ, elle planche sur une série de tableaux-reportages basés sur des anecdotes historiques de Sainte-Anne-de-Beaupré. Inspirée par la démarche journalistique, cette chroniqueuse culturelle à la radio communautaire avoue avoir trouvé ardu de retrouver le rythme paisible de son sanctuaire. « Étant très active, j’ai dû apprendre à déléguer. Maintenant, je me sens bien. J’ai réapprivoisé le silence. Mon projet a beaucoup de sens pour moi. Les idées ne manquent pas. »
Oui, des idées, elle en a. Annie Lévesque aimerait d’ailleurs lancer une fondation pour soutenir les jeunes créateurs québécois. Elle caresse également le rêve d’implanter un incubateur artistique dans l’ancien hôtel où loge sa galerie, au cœur de Sainte-Anne-de-Beaupré.